L’air déterminée, un journal dans une main, l’appareil photo qu’elle avait volé à Tate alors qu’il avait tourné le dos pendant approximativement quarante-cinq secondes la veille. Elle l’avait glissé dans ce vieux sac de sport qu’elle emportait partout. Vestige d’une vie passée. Sa mission était simple, elle devait filer un type, ce même type qu’elle suivait depuis quelques jours. Sa femme l’avait contactée, son mari était infidèle. Et c’était le rôle de Siobhan de le prouver, et ce matin était parfait pour ce genre d’affaires. Partie à l’aurore, elle déambulait dans les rues. Laissant toujours ces quelques mètres de distance pour ne pas se faire remarquer, bien que sa couleur de cheveux ne lui permettait pas vraiment de passer inaperçue. Sa décision de devenir détective privée lui était subitement venue un matin alors qu’elle discutait avec celui qui la logeait depuis plusieurs mois, de temps en temps à titre gratuit, en fonction de ses revenus aussi maigres soit-il.

S’arrêtant à quelques mètres d’un café, fronçant les sourcils alors qu’elle n’y voyait rien. Un éclair de génie.. ou pas plus tard, elle attrapa l’appareil photo de son sac. L’objectif pointer en direction de l’établissement, elle scrutait l’intérieur. « Bon dieu, ce c** ne peut pas se mettre à la fenêtre... » jurait elle plus pour elle-même que pour les autres, elle soupira de tout son être et allait devoir s’avancer pour y voir plus. Elle continuait d’insulter ce type tiré à quatre épingles, ce dernier lui au moins semblait passer un bon moment. Un raclement de gorge plus tard, la trentenaire décolla l’appareil photo de son visage. Une vieille dame lui lançait un regard offusqué alors qu’elle couvrait les oreilles de l’enfant juste à côté d’elle. « Syndrôme de la Tourette » fit elle en grinçant des dents, alors que la grand-mère soupirait.  La rousse lâcha un « f*ck » suivit d’un sourire satisfait alors qu’elle reportait son attention sur la baie vitrée. Elle lança un rapide coup d’œil en direction de la grand-mère qui continuait à lui jeter des regards assassins « Vous voyez pas que je travaille ?! » Bon ok, Sio, insulter des grand mères de si bon matin dans la rue c’était pas vraiment la meilleure chose à faire. Elle s’avança dans la ruelle avant de se prendre un coup de sac dans la figure. Il paraissait que ça devenait agressif à partir d’un certain âge, Enfin c’est ce qu’elle avait cru entendre.

Siobhan pénétra enfin dans le café, se hissant sur la pointe des pieds, afin d’apercevoir sa cible. Il y avait un monde fou, ils avaient quoi tous à prendre le café le matin ? Siobhan s’interrogeait. Elle se faufila à travers ce qui lui semblait être un amas de personnes, ou pour le commun des mortels : une file d’attente. Elle bouscula sur son passage une ou deux personnes, ou peut-être trois ou quatre. Elle ne savait pas trop, la seule chose qui l’intéressait c’était ce type avec sa blonde. Sourcils froncés, elle fut déconcentrée pendant quelques secondes par deux hommes qui haussaient le ton de voix. Elle leva les yeux au ciel, perdant par la même occasion le fil de son observation. L’écossaise tourna alors la tête en direction du cinquantenaire, elle jura une nouvelle fois. Où est ce qu’il était passé ? Elle fit un tour sur elle-même avant de se retrouver nez à nez avec un type qui venait de récupérer son café. « Vous me gênez. » fit elle déjà hissé sur la pointe des pieds, à la recherche de sa cible. « si déjà vous êtes là.. Ne bougez pas. » Elle passa l’appareil photo au dessus de sa tête, dans cette position elle était un peu ridicule. Mais bien heureusement pour elle, ça ne tuait pas. Elle appuya sur le détonateur, peut être que comme ça elle repérait le grassouillet. « je travaille. » se justifia-t-elle face à l’homme en face d’elle, ses bras toujours en l’air.

Sa présence dans ce café n’avait rien de normal, cette position qu’elle tenait non plus. Les deux bras en l’air, elle semblait très peu à l’aise. Et surtout elle ne l’était en aucun cas. Cet homme devait probablement avoir autre chose à faire de bien plus intéressant que de lui servir de couverture, ou plutôt de planque humaine. Bon après tou il la cachait un peu, à la vue de la carrure qu’il avait. Pendant une seconde elle eut envie de toucher ses bras pour voir si c’était des vrais, après tout elle savait que certains hommes usaient et abusaient de produits en tout genre. Elle le savait, elle avait lu ça dans people magasine. Ce numéro qui parlait de la taille des bras des célébrités ! Siobhan se nota dans un coin de sa tête de lui demander plus tard s’il en prenait aussi. Elle pourrait même entamer une enquête sur la prise de substances qui faisaient gonfler les muscles. Les bras toujours en l’air, à prendre des clichés à la volée. Elle n’était même pas sûr d’en avoir des bons, elle vérifierait plus tard. Elle jugea pourtant utile de préciser qu’elle travaillait. Non ce n’était pas juste une folle furieuse dans un café à l’enseigne bien connue. L’homme finit par prendre pour la première fois la parole. Et plus il lui posait des questions.. Plus la rousse le regardait d’un air médusé. Comment quelqu’un pouvait poser autant de questions à la minute ? Elle se savait bavarde mais elle avait officiellement trouvé son maître.  Cependant avant qu’elle ne puisse en placer une. Ce fut cet étrange personnage, un mélange entre un troll et un vendeur de journaux qui l’empêcha de parler. Elle leva les yeux au ciel. Pourquoi est-ce que le monde entier venait la déranger de si bon matin ? concentration toujours à son maximum, l’écossaise, entendit la complainte de son acolyte de fortune, ou d’infortune. Tout dépendait du point de vue duquel on se plaçait.

« p’tre que vous étiez une voiture dans une autre vie, et qu’elle a décelé votre potentiel. Elle doit lire dans les vies antérieures, j’ai lu un truc une fois qui disait que les gens ils avaient tous des vies avant, vous voyez ce que je veux dire. » qu’elle lui balançait avec tout le sérieux du monde, les lèvres en canard, elle hochait la tête alors qu’elle regardait le châtain en face d’elle. Plus sérieuse qu’elle actuellement, on ne pouvait pas faire. L’employé les regardait à présent tous les deux, un air ahuri plaqué sur le visage. Secouant la tête, ce dernier se remit au travail alors que le duo s’était enfin décaler. Les gens qui ralaient, pouvaient enfin avoir leur précieux breuvages, la vie pouvait enfin reprendre son cours.

Elle croisa les bras sur sa poitrine alors que la comparaison avec Homer Simpson, lui arracha un sourire, bien qu’elle tentait de rester de glace. Voilà à quoi il ressemblait le grassouillet à ce héros de la télé ! pourquoi n’y avait-elle pas penser plutôt ? Ce dernier lui proposait son aide, la rousse hésita un instant, elle finit par pencher la tête sur le côté. « ça change quoi que vous êtes plus grand que moi ? » plissant les paupières elle le jugeait un petit peu. Elle n’était pas petite ! elle était plus grande que la moyenne, elle tenait toujours fermement son appareil photo dans les mains. Puis zut, elle n’y voyait rien elle, comme si toutes les personnes faisant plus d’un mètre quatre-vingts s’étaient réunies juste pour l’emmerder. « Faut pas qu’on les perde, Sherlock ! » qu’elle lui dit l’écossaise, attrapant le bras de l’homme qu’elle rebaptiserait Sherlock pour le moment. Peut être qu’elle lui demanderait son prénom plus tard.

« faut qu’on trouve un moyen de s’approcher de lui, vous voyez la blonde là ? » fit elle en pointant du doigt l’espèce de barbie bas de gamme. Un mélange entre Jessica Simpson et une voiture volée. Couverte de maquillage, Siobhan se demandait s’il y avait toujours quelqu’un sous cette couche de fond de teint., qui accompagnait la pâle copie d’Homer Simpson. « c’est sa maîtresse, elle a laissé une culotte dans la veste d’Homer. Et sa femme, Marge, l’a trouvé. Mais il a trouvé une excuse bidon.. Et ils ont signés un contrat de mariage a plusieurs millions de livres. Ce contrat stipule que s’il la trompe avec preuves, il lui devait la moitié de sa fortune.. » Elle s’arrêta de parler un instant. « Vous me suivez toujours, ou faut que j’vous fasse un résumé ? » lui demanda-t-elle, elle aimait faire des résumés. Mais souvent les gens avaient l’impression qu’elle les prenait pour des demeurés.

Elle l’écoute la rousse, de l’oreille la plus attentive qu’elle puisse donner. Secouant la tête à la positive, sourcils froncés, l’écossaise trouve que l’argument de l’homme face à elle, était le meilleur, et surtout le plus logique. Pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Des mouches espionnes, en plus elle avait déjà vu ça dans un film... Ou sinon c’était des scarabées. Ou toutes autres bestioles qui lui filaient des frissons. Qui aimait les mouches au juste ? Siobhan se posait la question, elle porta son regard sur l’employé qui leur avait demandé de se décaler. Demande qui les avait amenés à toute cette théorie sur les mouches.

La rouquine aurait aimé protester, elle s’était toujours imaginée grande révolutionnaire, peut être qu’elle en était une auparavant, dans une autre vie. Toute cette histoire de réincarnation l’avait perturbé au plus au point. Elle en devenait presque parano. « Les mouches c’est le mal.. » conclue-t-elle finalement, alors qu’elle observa autour d’elle. La conversation se détourna, laissant pendant un quelques minutes les mouches et les employés tranquille. Bien qu’aucun d’eux ne leur aient rien demander.

Pendant quelques secondes, la rouquine se questionna sur le bien fondée de cette alliance. Elle n’aimait pas qu’on lui dise, ou plutôt qu’on sous entende qu’elle était petite. Prochaine fois, elle lui montrera qu’elle peut être grande avec des talons. D’ailleurs pourquoi elle n’en portait pas aujourd’hui ? son esprit divagua pendant quelques minutes, elle lui demanda alors ce que ça pouvait bien changer. Peut être qu’il avait une excellente raison de lui dire qu’il était plus grand. Les yeux plissés, le regard presque noir, la rouquine attendait une réflexion digne de ce nom. Une échelle ? Les lèvres pincées, Siobhan le reluqua de haut en bas. « vous vous en sortez bien pour une échelle… Parce qu’il existe des échelles pliables qui ne font vraiment pas long feu. » Siobhan Murdoch ou la prochaine vendeuse du magasin de bricolage du coin, quoique elle s’était fait renvoyer de son dernier boulot . Elle déposa les mains sur ses hanches, l’appareil photo en main. Plus du tout en phase avec sa mission. Pourtant bien vite ramener à la réalité par le flux de géants qui se positionnait entre elle et sa cible. Homer, pour les intimes. La rousse se lance alors dans une explication digne des plus grands films d’actions, elle aussi voulait de l’action ! peut être qu’elle en aurait aujourd’hui, avec Sherlock comme compagnie elle n’en doutait pas le moins du monde. Sherlock lui fit un second résumé, elle acquiesca alors. Il apprenait vite, il aurait pu être le vrai Sherlock Holmes en fait. Un grand sourire se dessina alors sur son visage à cette pensée, elle venait de rencontrer la véritable réincarnation de Sherlock Holmes ! Et en plus, cerise sur le gâteau, il se trouvait juste devant elle. Les étoiles étaient donc alignés, et toutes les chances étaient de son côté. « Exact Sherlock ! Maintenant ils n’ont plus qu’a se rouler un patin, une photo et Marge a sa part du donuts ! » elle fit une courte pause, elle ne devait pas autant s’exciter, mais savoir qu’elle avait le vrai Sherlock Holmes à ses côtés ça la rendait un brin hystérique. Elle aurait aimé pouvoir sautiller partout en braillant qu’elle avait devant elle le vrai Sherlock Holmes. Mais c’était peut être un peu too much pour cette détective en herbes. « On vous a déjà dis que vous pouviez être le vrai Sherlock Holmes ? »

L’idée de son acolyte lui fit acquiescer la tête, se faire passer pour un employé du café, mais quelle merveilleuse idée ! « On pourrait même apprendre à faire des cafés ! j’ai toujours voulu me servir de ces machines avec les boutons là ! » elle tapa joyeusement dans ses mains. Cette idée était formidable. Sio, elle avait une capacité de concentration d’un poisson rouge. Un rien ne la distrayait, et surtout elle s’étonnait de n’avoir pas plus de Les yeux pétillants, alors que le brun aux yeux clairs finit par lui soumettre une idée plus discrète, un employé de ménage avec son balai.. La rousse encore dans ses plans de chocolat frappé, fut vite rattraper par la voix de son confrère. Parce que oui, la réincarnation de Sherlock c’était bien son confrère et entre confrères on se serre les coudes. Code Rouge ? Le regard de la rousse se porta alors sur la direction. Hééééé m*rde… trop tard.. trop rapide.. La maîtresse d’Homer se poste devant les deux joyeux lurons, mains sur les hanches. Elle les dévisage comme s’ils venaient de Mars. Un mensonge et vite ! « Quand je vous dis de courir vous courrez ok ? » qu’elle murmura entre ses dents à l’attention de l’homme à côté d’elle. La trentenaire prend alors la mine la plus inoffensive qu’elle peut aborder un mélange entre le chat poté dans Shrek et un chat qui va passer sous la douche. Autant dire que la crédibilité laissait bel et bien à désirer.

« Je peux vous aider, Madame.. ? » demanda alors la rouquine, se retenant de lui affubler le doux nom de Maîtresse d’Homer. « Vous nous espionner ! je vous vois depuis avant ! » qu’elle braille le caniche. La rousse plisse alors les yeux, ok quitte à mentir autant bien le faire. « Mais non ! pas du tout ! vous êtes paranos ! Et depuis y’a aucun intérêt à vous espionner. Vous avez l’air très heureux.. Vous êtes mariés, en instance de divorce, veuve à la recherche d’une future proie, une croqueuse de diamants? Votre comportement est hyper louche.. » elle couronne tout ça d’un sourire forcée, bien moins sincère que celui qu’elle avait put adresser à son acolyte. « Puis c’est quoi ces manières ? On vous a élever dans un poulailler ou quoi ? » pas du tout pour la paix, Sio, au vue de la couleur cramoisie que la femme en face d’elle prenait…